Promotion du Faso Dan Fani : François 1er, premier de sa génération !

S’il y a bien un symbole du patriotisme burkinabè, le Faso dan fani est bien cela. Le Faso dan fani signifie littéralement « pagne tissé de la patrie ». De plus en plus, le gouvernement encourage sa production. Aussi, s’il y a une locomotive dans la production du Faso dan fani au Burkina Faso, c’est bien François 1er. Un concept devenu une marque qui fait la différence dans la confection du Faso dan fani. Il fait dans l’industrie artisanale dans le but de produire en quantité avec une économie d’échelle et fait partie des rares acteurs du domaine qui maîtrisent toute la chaîne de production du précieux tissu, symbole de fierté nationale. Du choix du coton à la conception de la tenue et sa commercialisation en passant par la filature et la teinture, François Yaméogo, patron et géniteur de la marque François 1er depuis 1992, maîtrise son domaine. Il confectionne des tenues prisées sur le plan national et international, disposant d’une « industrie artisanale » créative propre à la marque. Bref. Lisez ! 

Il est 10h, nous sommes à bord d’un car d’une compagnie de transport, direction Koudougou, la cité du cavalier rouge. Deux heures à passer sur la route pour rejoindre le fief de la marque François 1er. Sur l’axe Ouagadougou – Koudougou, nous traversons des carrefours très animés le long de notre trajet, des agglomérations qui tendent à se rapprocher, mais aussi une nature qui tend à les séparer par des arbres, des arbustes et des champs par endroits.

Dame nature est à son plus beau jour. Elle a enfilé sa belle robe verte, couleur de l’hivernage. Les retenus d’eau, les ravins et autres ruisseaux gorgés d’eau l’ont bien débarrassée de sa forme sèche et de son teint grisonnant en lui redonnant une forme reluisante, symbole de suffisance, d’abondance et de vie.

Nature, belle et généreusement habillée de sa plus belle robe verte nous accompagne jusqu’à l’entrée de Koudougou pour voir un maître de l’habillement et de la création : François 1er. Une certaine chaleur suffocante nous signale que nous sommes vraiment en agglomération. Koudougou nous ouvre ses entrailles à travers la gare routière juste après avoir dépassé la statue du buste de Maurice Yaméogo, ancien président de la nation burkinabè autrefois Haute-Volta.

Aussitôt arrivé, nous informons notre hôte par téléphone que nous sommes à la gare. « Tu es venu avec quelle compagnie ? Attends-moi devant la porte, je viens te chercher », nous lance François 1er himself de son vrai nom François Yaméogo. À son arrivée, nous nous manquons de peu.

En effet, pendant que nous attendions devant la porte de la gare, notre hôte est parti nous chercher devant la porte de la compagnie de transport que nous avons prise. « Mais tu es où, je t’avais dit devant la porte de la compagnie de transport, pas devant la gare », nous précise-t-il au téléphone.

Quand on le rejoint, celui-ci discute avec une vendeuse ambulante. « Je paie des avocats pour mes employés, ils vont être contents », nous indique-t-il tout en nous souhaitant un cordial bienvenu dans la cité du cavalier rouge. « On va aller dans l’industrie avant de revenir dans la boutique », nous informe François Yaméogo vêtu d’un costume bleu et jaune estampillé bien sûr François 1er.

Quoi de mieux qu’un cordonnier bien chaussé ! Après 5 minutes de route faites de causerie sur la problématique de l’industrialisation du Faso dan fani et de l’exemple François 1er, nous arrivons à l’industrie. Sous un arbre en face de notre destination, des employés soupirent après une demi-journée de travail.

Maison de création François Premier

C’est là que nous garons. Au contact de ses employés, nous comprenons vite que ce patron n’est pas comme les autres, tant avec ses employés, il avait l’air de discuter avec ses copains. Ils les saluent très amicalement en échangeant quelques rigolades avant de nous faire visiter les lieux. À l’intérieur, l’ambiance était bon enfant. Pendant que certains employés prennent leur pause, d’autres s’affairent toujours à harmoniser des fils déjà teints à l’aide d’un outil manuel et tout cela en écoutant de la musique.

De la musique classique des années 1970 passe comme par hasard. Il n’en fallait pas plus pour le patron, sous l’emprise de la musique de saisir un employé et esquisse des pas de danse. On ne se croirait pas dans une fabrique, mais dans une famille. Après quelques pas de danse avec l’employé qui se trouve dans la section Machine à tisser, il s’engouffre dans l’atelier Tailleurs.

Le temps qu’on le rejoigne, ciseaux en main, il est déjà en train de transmettre du savoir à un tailleur dans les réprimandes et dans l’humour. L’employeur reçoit, avec le visage tantôt froissé, tantôt avec un rire qui ne traduit pas forcément la joie.

Très minutieux, François 1er demande à l’employé tailleur de revoir ses lignes de couture pour que ça soit plus droit et de mieux s’appliquer. « C’est du François 1er, il faut bien t’appliquer. Les chemises ne doivent pas ressembler à ce que n’importe quel tailleur fait. Regarde ce que tu fais, tu couds comme si tu étais un vieux tailleur de marché », reproche-t-il à son employé en rigolant. Celui-ci dans le sourire le prend positivement et se remet à la tâche. Après cette petite supervision, François 1er nous explique le fonctionnement de son industrie.

Dans l’antre de l’industrie créative de François 1er 

« Là, vous êtes dans mon industrie créative. C’est un endroit qui regroupe beaucoup de compétences. Ici vous avez les teinturières, vous avez les tisseuses, vous avez la création, vous avez la production. C’est segmenté. Il y a un segment teinture, il y a un segment recherche, il y a un segment production, on a même une crèche pour garder les enfants des travailleurs », nous présente brièvement François Yaméogo.

Cette moule constitue donc le laboratoire de conception des produits François 1er. Et le promoteur maîtrise toute la chaîne de production de ses produits. C’est d’ailleurs peu de le dire.

Du choix du coton en passant par la filature, la teinture jusqu’à la conception de la chemise ou de la veste, rien n’échappe à François Yaméogo. Il l’avoue d’ailleurs : « je maîtrise toute la chaîne. Mon coton je le prends à l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPCB), après le coton va chez Chocobio à Koudougou pour l’égrainage. 

Après l’égrainage, le coton  va à FILSA pour faire les fils. Après les fils, ça revient chez moi, je fais la teinture et le tissage. Je boucle la chaîne. Si bien que j’ai une traçabilité de mes produits. C’est-à-dire que je peux savoir d’où vient mon produit et j’ai l’agrément de la certification par l’UNPCB comme quoi mon coton est bio. J’ai aussi un agrément du ministère de l’Environnement qui montre que tout mon process respecte l’environnement », énumère François Yaméogo.

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Comme quoi c’est une industrie artisanale qui est bien pensée. Aujourd’hui, le pagne est tissé de diverses manières au Burkina. Beaucoup de femmes et de coopératives s’adonnent à son tissage de façon plus ou moins artisanale.

Car c’est l’essence même du Faso dan fani, un tissu du Faso fait à la main avec la cotonnade locale. Le Faso dan fani, faut-il le rappeler encore, c’est le pagne du Faso, produit au Faso et tissé au Faso. Avec François 1er, on peut dire sans se tromper que le Faso dan fani n’a jamais mieux porté son nom et ses ambitions.

Oui, il y a des producteurs de pagnes tissés au Burkina, de Faso dan fani au Burkina, mais un producteur qui maîtrise toute la chaîne de production et qui a même une industrie créative comme François 1er, on peut dire sans se tromper qu’il est le seul. Alors, quelle est la particularité de François 1er ? Réponse dans cette vidéo. ⤵️

La marque François 1er se vend bien… 

Le résultat de ce travail organisé qui respecte les normes environnementales est palpable, la marque François 1er, à en croire son directeur artistique, est une marque qui se vend bien. De l’industrie de Koudougou, le produit fini alimente une boutique à Koudougou, à Ouagadougou et se vend en ligne depuis 2010.

Les clients ne se font pas prier et consomment bien ces chemises de tout type, ces blazers, ces costumes et autres effets d’habillements, modelés dans du coton bio burkinabè, tissés à l’aide de machines manuelles dans une industrie créative 100% burkinabè. « Sur le plan national, il n’y a pas de mot à dire, la marque a sa place. 

Sur le plan international également, ça bouge parce que le produit lui-même se vend », assure Laurent Yaméogo, directeur artistique de François 1er. Et à François Yaméogo de renchérir : En ce qui concerne le comportement de la marque sur le marché, « au Burkina Faso, il n’y a plus rien à prouver ». Sur le plan international, il assure de la présence de la marque dans les marchés ivoirien, guinéen, nigérien, togolais, et en Europe via une plateforme de vente en ligne.

Un fidèle client de la marque à Ouagadougou avoue son grand amour avec la marque. « Je ne m’habille qu’en François 1er. François 1er, c’est pour la qualité du coton. Il utilise un coton qui est doux à la peau quand vous le lavez, il ne bouge pas et il ne tient pas chaud. C’est pour ces raisons que je ne m’habille qu’en François 1er », avoue John Toé, un fidèle client de longue date de François 1er.

Comment François 1er a pu imposer sa marque ? Comment a-t-il atteint un tel niveau. On n’est jamais leader par hasard et ça, il faut le dire. En scrutant le parcours de François 1er, on se rend compte que cette réussite n’est pas venue ex nihilo. Patron dans l’industrie de la mode pendant plus de 30 ans à Paris, ce n’est pas donner à n’importe qui et on comprend bien pourquoi il sort du lot en matière de créations et de confection d’habillement en Faso dan fani au Burkina.

Portrait et parcours de François 1er dans cette vidéo ⤵️

L’arbre ne doit pas cacher la forêt 

François 1er sort du lot en matière de création avec le Faso dan fani au Burkina. Il a une industrie créative, il a pas mal de clients et bon nombre d’autorités s’habillent en François 1er, à savoir l’actuel Premier ministre Me Apollinaire Kyelem de Tambela, le ministre en charge de la culture Jean Emmanuel Ouédraogo pour ne citer que ceux-ci.

Cependant, à en croire son promoteur, la marque a plus de réussite sur le plan de la communication que sur le plan économique. Pour lui, les autorités ne soutiennent pas de la bonne manière l’industrialisation du secteur. Il ne cache pas d’ailleurs, l’industrie François 1er ne va pas si bien que cela.

Pourtant, à en croire Célestin Zoungrana, Directeur de la coordination et de la promotion au sein de la direction générale de l’artisanat, l’État soutient les artisans à travers divers fonds. Après notre rencontre avec François 1er, nous avons voulu savoir ce que l’État fait pour l’industrialisation du Faso Dan Fani.

C’est à ce titre qu’orienté par la direction en charge de la communication du ministère du Développement industriel, du Commerce, de l’Artisanat et des Petites et Moyennes Entreprises, nous sommes allés à la Direction générale de l’Artisanat pour mieux comprendre.

Célestin Zoungrana, Directeur de la coordination et de la promotion au sein de la direction générale de l’artisanat

Nous prenons audience pour rencontrer notamment le Directeur général de l’artisanat. Dès le lendemain nous sommes reçus par un responsable. Une diligence que nous avons beaucoup appréciée. Qu’est-ce qui est fait pour l’industrialisation du Faso dan fani en vue de sa promotion ?

C’est la question que nous adressons à Célestin Zoungrana, Directeur de la coordination et de la promotion au sein de la direction générale de l’artisanat commis pour nous répondre. Mais la question passe mal avec ce technicien de l’État. Il a du mal à concevoir le mot industrie que nous utilisons jusque-là par abus de langage avec François 1er.

Pour lui, l’essence du Faso dan fani, c’est parce que c’est un pagne fait au Burkina, avec la matière première locale et fait à la main. « Si on enlève le fait Main du Faso dan fani, je ne sais si on pourra encore l’appelé Faso dan fani », nous indique Monsieur Zoungrana. Pour lui, dans la fabrication du Faso dan fani, il y a une utilisation prépondérante de l’homme, de la main.  

Ce qui justifie son caractère artisanal. Alors que lorsqu’on parle d’industrie, on parle de machine et de reproduction répétée en grande quantité d’un produit. Après ce recadrage, nous appelons François 1er pour comprendre dans quel registre il s’inscrit.

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« Moi je fais de l’industrie artisanale avec une économie d’échelle pour mieux optimiser mon rendement », nous apprend François 1er. À l’en croire, dans ce système, l’artisan évolue en entreprise tout en gardant le fait Main.

Une petite recherche nous permet de savoir que l’industrie artisanale désigne un système de production dans lequel les biens et les services sont produits à domicile en petites quantités par opposition à une production à grande échelle dans une usine.

Dans l’enceinte de l’industrie artisanale créative de François premier

Qu’à cela ne tienne, le soutien de l’État dans le secteur du Faso dan fani est diversement apprécié, François 1er et un représentant de l’État donnent leurs avis dans cette vidéo.

Rappel historique sur le Faso dan fani 

En rappel, c’est lors de l’accession au pouvoir de Thomas Sankara, qui rebaptise le pays Burkina Faso, en 1983, que le Faso dan fani est devenu un symbole de sa révolution et de l’identité nationale. Pour lui, le Faso dan fani c’est un symbole de patriotisme culturel et économique, mais aussi un symbole de refus de l’impérialisme.

Dans le but de mettre en avant ces tissus locaux et de développer les productions nationales, Thomas Sankara rend obligatoire le port du Faso dan fani par les fonctionnaires. Porté par les idées communistes et anticolonialistes, il aimait à répéter que « porter le Faso dan fani est un acte économique, culturel et politique de défi à l’impérialisme ». Après sa chute, le Faso dan fani est quelque peu tombé en désuétude sous le régime de Blaise Compaoré à la faveur du libéralisme économique.

Le Faso dan fani est revenu en force avec le pouvoir de transition en 2014 avec des dirigeants qui encouragent son port. Roch Marc Christian Kaboré, président élu fin 2015, a aussi remis au goût du jour le port du Faso dan fani, lui-même en portant à chacune de ses apparitions le tissu made in Burkina. Le pagne a même trouvé son jour de célébration, le « 8 mars » de chaque année.

Le Premier ministre, Me Apollinaire Kyelem de Tambela, a promis lors de sa déclaration de politique générale à l’Assemblée législative de Transition, le 19 novembre 2022 que son gouvernement encouragera donc le port généralisé du Faso dan fani et son adoption dans les uniformes scolaires, militaires et hôteliers, de même que dans les agences de tourisme et pour les guides touristiques.

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Le Conseil des ministres du 09 aout 2023 a adopté un décret portant promotion du port du Faso dan fani en milieu scolaire actant ainsi le port du Faso dan fani en milieu scolaire. Le Faso dan Fani a donc de beaux jours devant lui pour peu qu’on sache le valoriser et le produire suffisamment pour le marché local en pleine floraison.

François 1er, lui, a eu sa vision et a réussi le coup de monter et faire fonctionner une industrie créative. À qui le tour ? Pour l’heure, nous retournons à Ouagadougou, satisfait d’avoir appris plus sur l’expérience de François 1er quant à « l’industrialisation… artisanale » du Faso dan fani.

Hamadou OUEDRAOGO

Burkina 24

L'actualité du Burkina 24h/24.
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