Salif Sanfo, promoteur culturel

Salif Sanfo : « La principale source de revenus en termes d’exportation des Etats Unis, c’est la Culture »

Communicateur et opérateur culturel, Salif Sanfo s’investit surtout dans les spectacles d’humour  ces dernières années. Du festival Bon nané/Ouistiti d’or à la Rir’volution en passant par « Fais rire ta mère », c’est toujours le sourire qui est à l’honneur avec de nombreux comédiens nationaux et internationaux. Le dernier événement en date qui a drainé plus de 20 000 festivaliers s’est tenu dans la cours du FESPACO et s’intitulait « Ouaga doux goûts, capitale du bonheur ». Il nous livre le contenu de cette activité aux « 3B ».

Burkina24 (B24) : En tant que communicateur, quel a été votre parcours ?

Salif Sanfo (SS) : J’ai un parcours quelque peu atypique. J’ai commencé ma carrière à 12 ans à la radio Horizon FM où j’animais l’émission des enfants, grâce à Moustapha THIOMBIANO, c’était en 1993.  Au fil des ans, j’ai animé beaucoup d’autres émissions : club adolescence, fièvre jeune,  jeunesse mania. J’ai aussi collaboré pour les magazines star info, Junior vision, etc.

J’ai fait une carrière télé avec multimédia TV puis avec Canal3 où j’ai animé des émissions comme « Tac au tac », « Clips de la semaine », « On t’a eu », « entre nous ». Il y a aussi des émissions télédiffusées tels que les Galians, les rentrées RTB, Sanithon, etc. En tant que chargé de communication j’ai travaillé pour des festivals comme fêtard, deni show, wedbindé, Jazz à Ouaga…

Et depuis 2010, j’ai lancé les trophées de la parodie et de l’humour, le festival Bon nané/Ouistiti d’or. J’ai aussi managé plusieurs artistes de la place avec lesquels j’ai beaucoup appris. J’ai donné par ailleurs des formations. En 2009 on a initié « Empower Yourself », de retour d’Allemagne, avec le Goethe Institut. Cette initiative s’était donné pour mission la formation des managers de demain et je suis fier aujourd’hui en 2016 que l’un des meilleurs de la formation, Zopito ait été reconnu comme meilleur manager de l’année lors des 12 PCA. J’en profite pour lui réitérer mes vives félicitations et mes encouragements car le meilleur reste à venir.

B24 : Vous êtes aussi le manager de l’agence Productions Universelles, quels sont vos domaines de compétence ?

SS : Productions Universelles est une agence spécialisée en communication et événementiel. Nous existons depuis 2008 avec une équipe de jeunes dynamiques et avec un grand réseau de partenaires nationaux et internationaux. Nous intervenons essentiellement dans deux grands domaines : celui de la communication et de l’événementiel. Pour la communication, on part de l’idée d’une stratégie ou d’un plan de communication à son implémentation. Pour la partie événementielle, nous créons sur mesure, des concepts événementiels pour des entreprises ou des institutions et nous les aidons à le transformer en réalité.

Nous mettons aussi en place des événementiels pour lever des fonds pour des causes sociales. Nous essayons de plus en plus de développer la fibre RSE (Responsabilité sociale des entreprises) au niveau des entreprises. Aujourd’hui cela doit faire partie de toute entreprise qui pense être une entreprise citoyenne qui doit apporter une plus-value dans l’environnement où elle évolue.

Nous faisons aussi des spots télé et radio, des insertions dans média et sur des panneaux 12 m2, du team building, du média training et des formations de prise de parole en publique.

B24 : On vous connaît surtout dans la promotion des spectacles d’humour. D’où vous est venue cette inspiration ?

SS : Le Burkina Faso est l’un des pays au monde qui a pour particularité son effervescence culturelle. Et ce n’est pas seulement du fait de l’Etat mais c’est aussi et surtout du fait de ses différents opérateurs culturels qui depuis des décennies ont planté les germes d’un Burkina culturel rayonnant. Donc ma première source d’inspiration c’est le travail qui a déjà été fait par les aînés, notamment le ministre Mahamoudou OUEDRAOGO.

Je voulais lancer un concept humoristique, mais avec une spécificité burkinabè et avec en toile fonds la culture de l’excellence. Mes parents à plaisanterie sont les peuls qu’on traite « affectueusement » de singes. Et l’un des singes les plus rigolos est le ouistiti. D’où l’idée du ouistiti d’or. Le ouistiti d’or est la consécration des meilleurs humoristes de l’année et cela à travers le festival « bon nané ».

Malheureusement nous avons constaté que les humoristes ne sortent pas d’album. Ce qui fait que nous avons marqué une pause et nous avons commencé à produire. Nous avons donc produit Gombo.com, Petit Sergent; Ali ponré qui est en cours de production. Cette année on devait faire la cérémonie de remise des trophées en direct à la télévision, mais par manque de soutien, cela a été reporté.

B24 : Le dernier événement humouristique est « Ouaga doux goûts, capitale du bonheur ». Quel bilan faites-vous?

SS : 100% de bonheur, aucun incident, environs 22 000 festivaliers avec beaucoup de sourires d’enfants. « Ouaga doux goûts », capitale du bonheur était un grand succès populaire. Et je m’en réjouis parce que l’attaque terroriste nous a vraiment déstabilisés. Nous nous sommes dit que la meilleure manière de pouvoir passer à une autre étape c’est de rester nous-mêmes et de garder la chose qui nous distingue le mieux : c’est notre sourire.

Un homme politique disait que le Burkinabè aime les « 3B ». Nous l’avons parodié pour dire que Ouagadouxgouts c’est la capitale des « 3B », la brochette, la boisson et la bonne humeur. La bonne humeur c’était tous les soirs avec la diffusion de films comiques, des sktechs, spectacles d’humour,…

Il y avait aussi la nuit des « chôgôbiteurs », la nuit du mensonge en hommage à Petit menteur qui était à Horizon FM, la nuit du bégaiement en hommage à Tambidga et  le concours du Tchiiip (tchrrr) le plus long et du rire le plus original. Tout cela s’est passer en toute convivialité dans la cours du FESPACO qui a été rebaptisé le village de la bonne humeur et de la réconciliation pour l’occasion.

Gombo.com, sur la scène de du festival ''Ouaga doux gouts''

Gombo.com, sur la scène de du festival  »Ouaga doux goûts »

C’est un rêve que nous avons réalisé parce que depuis 6 ans nous voulons lancer le marché de l’humour. Parce que nous avons constaté que les œuvres humoristiques ne sont pas connues. Et parfois les gens veulent acheter des cassettes ou des CD et ne savent pas où aller. Ouaga doux goûts, capitale du bonheur aura permis de conquérir un public encore plus grand pour le marché des spectacles d’humour. Du jeudi 24 jusqu’au 28 mars, c’était vraiment du rire et de la bonne humeur à gogo avec la mise à disposition des productions humoristiques.

Ce fut aussi une aubaine pour valoriser la parenté à plaisanterie au niveau des jeunes. Chaque soir donc, il y avait des joutes de parenté à plaisanterie entre jeune Samo et Mossi, Gourounsi et Bissa, Peul et Bobo, etc. et nous souhaitons que ce patrimoine que nous ont légué nos ancêtres puisse être valorisé davantage parce que si nos frères rwandais ou burundais avait cette chance, le génocide aurait pu être évité et j’exhorte tout le monde à œuvrer à l’ancrage et à l’appropriation de cette valeur culturelle par les jeunes. Enfin ce fut un véritable plaisir de constaté le succès de l’espace enfant avec les toboggans, les jeux, les glaces, barbe à papa et le Gapal que les enfants ont adoré. C’était tout simplement beau !

B24 : Quand on est au cœur de tant d’événements qui drainent du monde, certainement que les retombées financières ne sont pas négligeables. Quel bilan financier dressez-vous alors ?

SS : Oui, ça devrait être normalement le cas. Mais malheureusement succès populaire ne rime pas forcément avec succès économique. Aujourd’hui c’est par passion que nous sommes dans la culture, sinon si c’était pour des motifs économiques, on serait ailleurs. Je rends grâce à Dieu et au public parce que même si on ne fait pas d’énormes bénéfices sur les spectacles, on ne fait pas trop de pertes.

Cela veut dire qu’avec l’accompagnement des médias surtout et du public, on arrive à minimiser l’écart entre les recettes et les dépenses. Logiquement tout cela devrait être absorbé par le sponsoring et le mécénat de sorte que les recettes de la « ticketerie » soient des bénéfices. Mais si jusqu’à présent nous n’avons pas encore les retombées financières que nous attendons, c’est parce qu’il y a un travail à faire au niveau de l’Etat et au niveau de la prise en compte de la culture comme un secteur prioritaire. Il faudrait que l’Etat encourage le mécénat et donne des avantages fiscaux à ceux qui soutiennent la culture.

Mieux il faudrait encourager l’investissement dans le domaine culturel. En tant que promoteur culturel, nous avons été contents de voir que dans la SCADD, la culture est considérée comme un secteur prioritaire. Il faut que ça continue. Et en mieux. Il faut donc que la culture soit prise comme secteur prioritaire dans les prochains documents cadres de notre pays. Dans le prochain quinquennat, il faut que la culture ait une place de choix. Et il faut que le ministère de la culture ait au moins 1% du budget national ; ce qui n’est pas le cas actuellement. C’est inimaginable.

Pourtant quand on écrit aux différents ministères, on te renvoie vers ce ministère. Si le ministère n’a même pas 1% du budget national, il vaut mieux,  revoir les choses de sorte que chaque ministère ait un département culturel doté d’un budget et chargé de la prise en compte de la culture dans chaque secteur. Là je suis sûr que les choses vont véritablement bougé.

La principale source de revenus en termes d’exportation des Etats-unis ce n’est ni l’armement ni le pétrole, c’est la culture : ce sont les films, les hamburgers, les jeans, les jeux… qu’est-ce qu’on attend !

Je vous donne un exemple tout simple. Je suis engagé dans la promotion du Faso Dan-Fani. J’ai pris la décision depuis 7 ans maintenant de ne porter que du Faso Dan Fani dans toutes mes cérémonies officielles et je salue l’initiative du 08 mars. Regardez ! Si sur les 18 millions de Burkinabè, on a 10 millions qui ont  décidé par exemple de payer le pagne à 6000 FCFA pour célébrer la femme, vous allez tomber à la renverse, 60 milliards de FCFA restent au Burkina Faso.

C’est quoi le développement endogène, c’est quoi le développement humain durable si ce n’est que ça ! Je suis de ceux qui pensent que si on va au-delà de l’aide qu’on apporte à la culture pour commencer à investir dans la culture, on aura de grands dividendes et par la culture on pourrait résorber la question du chômage, des conflits sociaux. Nous en tout cas, à notre modeste niveau nous travaillerons à le démontrer et nous comptons sur les bonnes volontés et surtout sur l’Etat et ses différents démembrements. Car il faut dès à présent arrêter d’être une question du ministre de la culture, mais plutôt une question transversale qui concerne tout l’appareil d’Etat. Je rêve d’un boom culturel avec un impact économique tel que celui du boom minier mais avec un impact social à l’inverse de ce que voyons (conflits, incendies, fractures sociales, maladies, etc.).

Entretien réalisé par Issouf NASSA

Burkina24

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