Franc CFA: Le Président béninois Patrice Talon brise un tabou

Le président béninois Patrice Talon a très clairement évoqué et pour la toute première fois de la part d’un chef d’Etat concerné, le retrait des réserves de change du CFA de la Banque de France. Selon l’économiste Martial Ze Belinga, c’est un tabou qui est brisé et si le rythme est maintenu, cela marquerait le début de la fin de cette monnaie coloniale.

Le ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire disait il y a quelques mois que la France restait ouverte à « une réforme ambitieuse «  du franc CFA mais « il y a une condition… c’est que la proposition vienne des États membres de la zone franc ». C’est donc fait avec le président béninois, Patrice Talon, qui vient d’annoncer le retrait des réserves de change du CFA de la Banque de France.

L’économiste Martial Ze Belinga interrogé par Radio France Internationale a indiqué que la question des réserves est le point qui cristallise le plus les attentes dans les débats sur le franc CFA.

Le calendrier de l’exécution de cette restitution des réserves africaines dépend, selon l’économiste, de plusieurs paramètres dûs notamment au fait du « cadre juridique qui fixe des obligations de remonter au moins 50% des réserves au Trésor public français », a-t-il expliqué non sans insister sur la nécessité d’une volonté politique afin de négocier la sortie des réserves africaines du Trésor public. « … cela peut prendre un certain temps, mais la démarche est en cours », s’est-il rassuré.

Etablissant le parallèle avec les derniers statuts de la la Banque internationale pour l’Afrique au Congo (Biac), en Afrique centrale, l’économiste a expliqué que « les statuts de 2017, on voit que la quotité est de 50%, qu’on peut aller jusqu’à 40%. On voit que les pays peuvent placer aussi une partie de la réserve à la BRI [la Banque des règlements internationaux]. Donc, cette possibilité de toute façon, elle existe et ce sera une négociation politique. Mais il n’y a pas de problème technique à proprement parler », selon lui.

La France estime toutefois ne pas profiter de ces réserves ce que l’économiste ne partage pas. « Si le Trésor public français peut rémunérer les réserves, c’est bien que lui-même va trouver cet argent quelque part. Ces réserves sont rémunérées à des taux relativement bas. C’est autour de 0,75%. Donc si un trésorier vous rémunère 0,75%, c’est bien qu’il gagne plus que 0,75% lui-même. C’est le fonctionnement normal des marchés financiers aujourd’hui. C’est parce que ces réserves sont placées sur les marchés financiers, marchés monétaires, marchés de court terme et marchés financiers qui sont des marchés de long terme », a-t-il tranché

L’économiste Martial Ze Belinga au micro de Stanislas Ndayishimiye a pointé du doigt le blocage politique et rappelé le contexte de cette pratique qui pendant une longue période concevait 100% des réserves de la zone CFA au Trésor public français.

Pour lui, il est certes notable que les chefs d’Etats africains concernés remettent sur la table cet épineux chapitre des réserves du franc cfa, toutefois, ce combat devrait être porté par les parlements africains. Dans la même trajectoire  Martial Ze Belinga a mis en exergue le mutisme des oppositions politiques africaines qui selon lui « ne se sont pas empressées de prendre la parole sur ce point-là … On est à un stade où il va falloir effectivement que les hommes politiques prennent leurs responsabilités, de la même façon qu’un certain nombre d’auteurs, d’intellectuels et un mouvement social ont pris [les leurs]. », a-t-il tranché.

Ce processus selon l’économiste intègre ce qu’il a appelé la décolonisation économique avec mettant  désormais entre la France et les anciennes colonies d’Afrique des jeux gagnant-gagnant contre les anciens modèles en perte de vitesse sur le continent.

Kouamé L.-Ph. Arnaud KOUAKOU

Burkina24

Source : RFI

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