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Intelligence économique : En attendant les champions burkinabè

Les USA ont eu Steve Jobs avec Apple. La France a Xavier Niel, fondateur de Free et initiateur de la Station F, campus de start-up qui réunit tout un écosystème entrepreneurial. Qu’a le Burkina ? Bertine Ouédraogo, incubée par La Fabrique, propose, elle au travers de Zoom sur une femme battante, de « faire quelque chose pour mettre en lumière des femmes qui jusque-là étaient méconnues du grand public » avec l’espoir que leur combativité serve de stimulant à la jeunesse burkinabè.

Il est 11h54 à La Fabrique sise au quartier Wemtinga de la capitale Ouagadougou. Là, à l’intérieur du local, les échanges vont bon train entre deux femmes sous le regard admirateur d’une troisième. Ce sont Emelie Tiendrebéogo, promotrice de Palobdé Service, entreprise de fabrication de serviettes hygiéniques lavables pour les femmes et les jeunes filles et Bertine Ouédraogo, promotrice de Zoom sur une femme battante, la « web TV  qui va mettre en valeur des femmes entrepreneures, battantes et aussi stimuler l’esprit entrepreneurial des jeunes à travers les portraits ». Bertine, elle, est actuellement incubée par La Fabrique.

« Ça bourdonnait dans [sa] tête »

Emelie, préoccupée par la Gestion hygiénique des menstrues (GHM) évolue dans la fabrication de serviettes hygiéniques lavables à base de Faso Dan Fani. Elle nous confie être « agréablement surprise » de voir Bertine, « une femme s’intéresse à ces femmes qui sont dans qui l’ombre » et son projet qui l’a « vraiment séduite».  

Echanges entre Bertine Ouédraogo, promotrice de Zoom sur une femme battante et Emelie Tiendrebéogo promotrice de Palobdé Service, entreprise de fabrication de serviettes hygiéniques réutilisables

Echanges entre Bertine Ouédraogo, promotrice de Zoom sur une femme battante et Emelie Tiendrebéogo promotrice de Palobdé Service, entreprise de fabrication de serviettes hygiéniques réutilisables

Elle s’explique : « Aujourd’hui, on a surtout beaucoup de femmes entrepreneures qui n’ont pas la visibilité. Ces femmes ne savent pas qu’elles sont des entrepreneures. Il y a des leaders qui sont dans nos communes mais elles ne le savent pas. Un tel projet permet de mettre en avant ces femmes pour qu’elles comprennent que ce n’est pas le travail de bureau qui fait de l’impact, qui est valorisant. Ce qu’elles font a de la valeur. Elles peuvent impacter d’autres femmes ».

Et c’est là que Bertine Ouédraogo avec son projet de web tv se positionne. Elle aussi a fait le constat qu’« il y a des femmes entrepreneures qui n’étaient pas forcément mises en valeur, des femmes qui sont dans l’ombre, des femmes que personne ne connait ». Vient la question que faire ? « Un jeudi, ça bourdonnait dans ma tête », confie-t-elle.

Le vendredi, elle s’est rendue dans son village. La samedi, jour de marché, elle rencontrera une femme au marché à laquelle, elle proposera de faire le portrait. Elle se fera elle-même la promesse, plus tard, de faire des portraits chaque weekend de « femmes qui ne sont pas du tout connues, de les mettre en valeur et aussi par leur histoire stimuler les jeunes, les femmes à entreprendre ».

Cela fait bientôt huit mois qu’elle est sous les ailes de l’incubateur d’entreprises sociales qui identifie et accompagne les porteurs de projets innovants et à fort impact social et environnemental. « Ça donne espoir. Ça donne la force de continuer. Jusque-là le projet est fait sur fonds propres. Ce n’est pas du tout facile, dit-elle. Du coup, avoir un incubateur avec une équipe bien dynamique qui m’encadre, qui m’aide beaucoup pour tout ce qui est aspect technique, logistique, cela permet de me focaliser sur l’essentiel ». 

Afin qu’elles puissent se concentrer sur l’essentiel

L’essentiel ! Quelque part dans la campagne burkinabè, des jeunes filles n’arrivent pas à se concentrer sur l’essentiel que sont les cours. L’élément perturbateur ici, ce sont les menstrues. « Interpellée » après avoir « entendu l’histoire d’une jeune fille qui a perdu sa serviette et qui ne voulait plus venir », la promotrice de Palobdé s’est mise à réfléchir dans l’optique de « faire quelque chose pour ces jeunes filles ».

« La venue des menstrues a d’énormes conséquences sur les activités pédagogiques de la fille à l’école. Selon les filles, les menstrues les empêchent d’être actives en classe. (…) Il arrive même qu’elles abandonnent la classe », peut-on lire dans le rapport 2015-2016 de l’UNICEF sur le Burkina.  « Le fait qu’on soit passé au jetable, on a occulté beaucoup de choses, relève-t-elle. Alors que par les règles, la jeune fille peut savoir par la couleur de ses règles si elle est en bonne santé ou pas.  On a perdu cela. (…) J’ai créé l’entreprise pour répondre à plusieurs problématiques ».

Adapter le produit aux exigences du marché

Gérard Niyondiko et Franck Langevin, tous deux debout sous le hall, présentent eux leur création : la pommade antimoustiques dénommée maia. Madame Palé/Kabré est visiblement séduite. « La pommade est nettement mieux que les anti moustiques. À tout moment tu peux utiliser. Leur initiative elle est bonne ». Maia, explique Franck Langevin, est « complémentaire » à la moustiquaire. Et l’idée, poursuit-il, c’est de « proposer un nouveau produit qui permette aux personnes au quotidien de ne pas être piquées, d’avoir moins de cas de palu ».

Au départ, Gérard Niyondiko, ingénieur en eau et assainissement a travaillé sur le savon anti-moustiques Faso soap. Après analyse – la population utilise un produit de soin corporel, à savoir une pommade – il s’est dit finalement que la pommade ferait mieux que le savon qu’il était en train de développer.

« Aujourd’hui, annonce fièrement Gérard Niyondiko on a un produit qu’on peut présenter »

« Aujourd’hui, annonce fièrement Gérard Niyondiko on a un produit qu’on peut présenter »

« Surtout que, même si on a un savon efficace, et que les gens après ajoutent un autre produit que nous on ne contrôle pas, cela risque d’annihiler », l’effet anti-moustiques du savon qu’il aurait conçu. Et pour ne pas demander aux futurs utilisateurs de changer leurs habitudes, il a préféré « adapter quelque chose qui peut s’insérer facilement » dans leur quotidien.

« Aujourd’hui, annonce-t-il fièrement, on a un produit qu’on peut présenter et qu’on est sûr que ça va mieux protéger les populations » de l’anophèle femelle, agent causal du paludisme, « une maladie potentiellement mortelle » selon l’OMS.

Faire des champions burkinabè

En plus de ces entrepreneurs, Aicha Traoré avec Biobag (conception d’emballages en papiers personnalisables et responsables), avec AGRO DEOGRACIAS, Esther Diendéré propose les jus de fruits naturels GLOU. Bien d’autres entrepreneurs y sont incubés.

Là, Alice Petetin, directrice par intérim de La Fabrique et ses collaborateurs soutiennent un vaste éventail de projets portés par des hommes et des femmes avec l’espoir de les voir « aller plus haut et plus loin ». Ce qui est important, décline-t-elle, c’est d’« arriver à avoir des modèles d’entrepreneurs ici au Burkina » en favorisant les circuits courts qui sont meilleurs pour l’environnement et qui bénéficient à l’économie locale. « Mais c’est également l’occasion pour nous de faire apparaître des entrepreneurs champions au Burkina. On parle souvent de Steeve Jobs, Mohamed Yunus. Demain, se projette Alice Petetin, on parlera de… » champions burkinabè?

Oui KOETA

Burkina24     

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