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Transformation structurelle des économies en Afrique : Appel à « changer de cap »

Avec un « très faible niveau d’instruction » des jeunes entrepreneurs avec des « entreprises (qui) innovent peu », la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) invite les décideurs des 47 pays les moins avancés (PMA) à « changer de cap » en commençant par dépasser l’approche consistant à créer un environnement propice aux affaires. Cela en remédiant aux défaillances des marchés.

Pour trouver la sortie du labyrinthe de la pauvreté, les auteurs du rapport sont unanimes. « Les pays les plus pauvres doivent favoriser l’essor d’entreprises dynamiques qui créent des emplois et contribuent à éliminer la pauvreté ». Et cela passe nécessairement selon eux par « une plus grande attention (prêtée) au développement des chaînes d’approvisionnement nationales ». En somme, parvenir à un développement endogène.

Un « grand optimisme en décalage avec la réalité plus complexe »

Pour commencer, préconisent-ils, il leur faut « adopter des politiques d’éducation à l’entrepreneuriat » pouvant inclure les compétences non techniques que sont la persévérance, le réseautage, la confiance en soi et des compétences techniques comme la planification des activités, les connaissances financières et les compétences de gestion.

Cette recommandation fait suite au constat selon lequel, « les PMA se distinguent aussi par le très faible niveau d’instruction de leurs jeunes entrepreneurs ». Conséquence, dans les PMA, les jeunes entrepreneurs sont en moyenne 1,7 fois plus nombreux à se dire entrepreneurs par choix plutôt que par nécessité, alors qu’ils sont 2,8 fois plus nombreux dans les pays en développement.

L’environnement et les rudes conditions de vie les y contraignent. En effet, relèvent les auteurs du rapport, ces 47 pays présentent « un contexte sociétal extrêmement favorable à l’activité entrepreneuriale ». Malheureusement, il semble, selon eux que le « grand optimisme » exprimé par la population en général soit « en décalage avec la réalité plus complexe ».

A ce stade, « le problème, décline Bineswaree Bolaky, économiste dans la section Afrique de la CNUCED, ce n’est pas qu’il n’y a pas assez d’entreprises. Il y a beaucoup de gens qui commencent une entreprise mais ça ne grandit pas, ça ne survit pas et ça ne fait pas la transition (passer du secteur informel pour aller au secteur formel) ».

Bineswaree Bolaky, économiste dans la section Afrique de la CNUCED, présentant le rapport au PNUD à Ouagadougou le 19 novembre

Il ressort ainsi que « les entreprises des PMA innovent peu et celles qui imitent des activités existantes sont généralement les plus nombreuses » avec en moyenne 15% des jeunes entrepreneurs qui annoncent la mise sur le marché d’un nouveau produit ou service contre 24% dans les pays en développement.

« C’est un rapport qui nous permet d’avoir un diagnostic précis sur la situation dans le domaine de l’entrepreneuriat », a commenté au sortir de la présentation le ministre Smaila Ouédraogo de la jeunesse, de l’insertion socio-professionnelle et de l’emploi, le 19 novembre 2018.

Et d’annoncer ensuite que son département est en train d’opérer une « réforme importante ». Celle-ci consiste à créer une direction qui sera chargée de la garantie bancaire. Elle servira d’interlocutrice et fera « en sorte que ceux qui ont besoin de beaucoup plus d’argent que le gouvernement ne peut pas donner immédiatement, puissent bénéficier de cette garantie qui doit être différent dans ces conditions que les garanties qui existent actuellement pour favoriser la mobilisation du capital pour investir ».

C’est certes salutaire apprécie-t-on à la CNUCED. Mais le gouvernement doit « aller au-delà » et « ne pas se limiter à la création d’un environnement favorable », dira Bineswaree Bolaky. Un appel qui transparaît clairement dans le rapport. Dans le communiqué de presse, la CNUCED interpelle les gouvernants des PMA en ces termes :

« Pour favoriser le développement des entreprises qui comptent dans la perspective d’une transformation économique en profondeur, il faut changer de cap – les pays doivent dépasser l’approche consistant à créer un environnement propice aux affaires, à remédier aux défaillances des marchés et à soutenir les petites entreprises »

Mahamadi Rouamba est promoteur de BeoogoLab, un centre d’appui aux initiatives entrepreneuriales. Il dit partager « la plupart des conclusions en commençant par ce qui motive les individus, la population à entreprendre ».  Le taux de 40% de mortalité des entreprises, il le lie « à l’environnement qui ne leur est pas favorable », notamment le mécanisme de financement.

Familier du secteur, le promoteur du centre d’incubation déplore en partie les attentes des institutions financières à l’endroit des nouvelles petites entreprises qui constituent un maillon essentiel dans la structure entrepreneuriale d’un pays.

« On ne peut pas juste avoir de grosses entreprises et ne pas avoir de petites. Ces petites entreprises ont leur utilité et il faudrait les mettre en relation avec les grandes entreprises », préconise M. Rouamba.

Un « Etat développementiste, des investissements transformateurs »

« Il importe de noter que le rapport invite les pays les moins avancés à ne pas négliger le rôle complémentaire essentiel que jouent les grandes entreprises aux côtés des petites et moyennes, de manière à élaborer des stratégies propres à promouvoir un entreprenariat à fort impact », fait observer Mukhisa Kituyi, secrétaire générale de la Conférence des nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED).

Pour finir, le rapport préconise un « Etat développementiste renouvelé qui effectue des investissements transformateurs et axés sur telle ou telle mission et qui fasse contribuer le secteur privé à la mise en œuvre d’une vision stratégique définissant clairement une trajectoire de développement ».

Toute chose qui nécessite, de l’avis de ses auteurs, de veiller à la cohérence et à la bonne coordination des politiques entrepreneuriales, des politiques industrielles, ainsi que de celles relatives aux zones rurales et des politiques en faveur de la science, de la technologie, et de l’innovation.

« Une fois que cela est fait, argumente Bineswaree Bolaky, là on peut mettre en place des politiques plus ciblées sur ce qu’on appelle les entrepreneurs par choix, ceux qui veulent entreprendre pour créer de nouvelles entreprises innovantes qui peuvent amener plus de croissance économique et aider le Burkina Faso à devenir une économie plus moderne, plus compétitive et plus sophistiquée ».

Oui KOETA

Burkina24

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