Le miel du Gourma : une histoire, un label et des défis

L’apiculture est une activité traditionnelle presque marginale au Burkina. Quelques régions sortent de l’ordinaire en ce concerne l’apiculture, dont la région de l’est qui rime avec le miel du Gourma. Le miel du Gourma est l’œuvre du centre apicole de Fada ou miellerie de Fada. Aujourd’hui, cette miellerie est une référence et le miel du Gourma prisé et commercialisé partout dans le pays et ailleurs. Pour lever un coin du voile, sur son histoire, ses motivations et ses perspectives, nous avons rencontré Madame Kobyagda/Ouali Ruth, directrice du centre apicole de Fada.

Mme Kobyagda/Ouali Ruth, parlez-nous tout d’abord de la genèse du ‘’miel du Gourma’’

Le centre apicole de Fada N’Gourma connu sous le nom de miellerie de Fada est outil d’un groupement qui est né depuis les années 1986 dans la perspective d’aider une école biblique  qui était dans un village à 10 km d’ici, dans les frais généraux de l’école. C’est ainsi que l’initiative est née et on a commencé à vendre le miel avec les missionnaires de cette école biblique.

Avec le temps, les apiculteurs de la localité ont vu que l’école biblique arrivait à s’en sortir avec cette vente du miel ; ils ont cherché à adhérer à l’école pour pouvoir écouler leur produit. Ainsi, avec l’ancien directeur qui était là-bas monsieur Paul Gayéri ils ont eu  l’idée de faire un groupement  qui soit autonome.

Ainsi en 1986, ils ont pu mettre en place ce groupement. Avec les producteurs le directeur a pu chercher des partenaires pour les accompagner avec l’équipement de  douze producteurs la première année, puis 18 l’année suivante soit au total 30 producteurs. Ces  apiculteurs équipés pouvaient produire et venir  vendre leur miel au niveau de l’école.

C'est ici que se font la collecte, le stockage, le filtrage, le conditionnement et la conservation.

C’est ici que se font la collecte, le stockage, le filtrage, le conditionnement et la conservation.

Comment la miellerie ou plutôt le centre apicole de Fada a-t-il évolué dans sa structuration pour devenir une référence ?

Au fil des années au moins deux à trois ans, ils se sont retrouvés confrontés à un problème d’écoulement. Avec ce directeur, ils ont eu l’idée d’amener la vente au centre-ville parce qu’à 10 km ce n’est pas facile pour les clients de la ville. Avec l’appui des partenaires suisses  un  centre agricole a été construit et inauguré  en janvier 1993. Il est aujourd’hui autonome avec du matériel qui lui permet de faire fonctionner sans l’appui des partenaires.

A l’ouverture du centre, Paul Gayéri et moi étions là. Ayant reçu une formation en apiculture en Suisse je l’ai donc épaulé. Ici  comme objectif que nous nous sommes fixé c’est de pouvoir  vendre toute la production que les producteurs nous apportent ; nous devons faire en sorte qu’ils aient confiance pour apporter leur production. On n’avait pas l’argent mais on a conclu avec eux  que s’ils amènent leur production, nous allons la vendre et leur retourner l’argent.

C’est ainsi nous avons pu établir cette confiance avec les producteurs qui étaient presque le fond de roulement de la structure. Par la suite avec les banques notamment la BACB, nous avons pu avoir des crédits pour travailler. Voilà comment le centre a pu commencer à travailler. De nos jours les producteurs n’ont plus besoin d’une semaine ou deux mois voire trois mois avant d’avoir l’argent. Maintenant les délais sont courts quand ce n’est pas beaucoup d’argent on peut même payer sur place.

Est-ce que vous entretenez un partenariat ou une collaboration avec d’autre structures ici au Burkina ou ailleurs ?

Oui ! Il y a l’UNABF  (Union Nationale des Apiculteurs du Burkina) mise en place en 2014 mais qui n’est pas très bien fonctionnel. Actuellement il y a des programmes pour aider les apiculteurs et je crois que dans la région de l’Est il y a trois provinces où un programme italien va aider les producteurs au nom de l’UNABF. Hormis cette union, nous avons d’autres, des privés qui sont dans la localité qui travaillent aussi dans l’apiculture ; nous ne sommes donc pas seuls.

Qui vous fournissent le miel, est-ce des groupements, des individus, des particuliers ? D’où viennent-ils?

Ils viennent de la région de l’est. C’est une coopérative. Nous avons commencé en groupement et aujourd’hui nous sommes une société coopérative qui travaille avec les cinq provinces de la région, donc le miel vient des individus et des groupements.

Qui sont les clients du centre, est-ce seulement ceux de la région, du Burkina, de l’Afrique, de l’Europe ?

Ils viennent de partout. 70 % de la production reste sur le plan national, les 30% restant s’en vont au Niger, au Sénégal mais de temps à temps en Europe avec des associations.

Il y a le miel de Gourma et celui du Sud-ouest. Sentez-vous une concurrence ?

Non, pour le moment ; au contraire c’est la production qui n’est pas suffisante souvent dans toutes les régions par rapport au climat. Par rapport à certains produits utilisés nous avons plutôt des soucis pour satisfaire la clientèle.

Est-ce que vous avez entrepris des innovations du centre depuis sa création ?

En apiculture on parle plutôt d’amélioration des pratiques apicoles. Nous savons que notre apiculture, elle est beaucoup traditionnelle et nous travaillons à améliorer les pratiques apicoles dans la région de l’Est et dans le Burkina de manière générale en ayant du matériel adapté comme le matériel de production, de conditionnement, de filtrage.

Le miel du Gourma, un label et des produits dérivés.

Le miel du Gourma, un label et des produits dérivés.

Le miel de Gourma a une certaine renommée nationale ; qu’est ce qui fait cette renommée ?

En premier lieu la nature même donne un gout particulier au miel de la région de l’Est ; ça ne provient pas de nous, et les clients l’apprécient comme ça. Le deuxième point est qu’ici nous essayons de pourvoir du miel de qualité : quand le producteur arrive nous vérifions la qualité et quand il n’est pas bon, nous ne prenons pas le  miel.

Il y a aussi la diversité du miel, quand les clients viennent, pour eux ‘’miel c’est miel’’ ; nous essayons de montrer aux clients que par rapport à la zone et à la période, vous pouvez avoir des miels différents de couleur, différents au gout, et là le client trouve qu’il est satisfait de voir  toutes ces qualités et variantes ; sinon quand il voit du miel noir, il a tendance à croire au noir tout le temps mais après une sensibilisation, le client est satisfait.

Vous avez tantôt parlé d’insuffisance pour satisfaire votre clientèle, ce qui veut dire qu’il y a un succès ; qu’est ce qui sous-tend le succès du centre apicole de Fada?

C’est le gout. Si le client est satisfait, il va revenir. Le gout et le service que nous leur rendons par l’information et aussi notre façon de distribuer le miel. A Fada ici nous avons des kiosques de distribution ; nous avons essayé d’aller dans les alimentations à Ouagadougou, nous avons deux responsables de distribution qui distribuent le miel dans les différentes alimentations de Ouagadougou. Je crois que c’est tout cela qui fait la renommée de notre miel.

Le centre est quand même vieux ; avez-vous des perspectives pour l’avenir ; est ce qu’il y a encore des défis à relever ?

Nous aimerions améliorer et augmenter la production, la qualité et la quantité produite. Aussi comme je vous l’avais dit, au niveau des techniques, c’est l’amélioration chez les producteurs. Que l’Etat s’investisse pour accompagner l’apiculture comme les autres filières.  Nous attendons que l’Etat nous accompagne en nous appuyant en matière de  formation et de matériel afin que l’apiculture soit une filière reconnue et rentable. Voici ce que nous avons comme perspectives.

Aujourd’hui, l’heure est à la promotion de l’entreprenariat et l’auto-emploi. Avec votre expérience, quels conseils avez-vous à l’endroit des jeunes qui voudraient se lancer dans l’entreprenariat ?

Si j’ai des conseils à donner c’est avoir de bonnes idées et défendre ces idées, ne pas abandonner à la moindre difficulté. Comme je l’ai dit, ce centre nous l’avons créé en 1993 avec le directeur. Il y a eu beaucoup de difficultés que nous avons traversées. Et ce n’est pas fini, nous avons toujours des défis à relever : qu’on sache cela et quand on persévère on arrive à atteindre ses objectifs. Le marché est-là, le Burkina est très grand aujourd’hui. Aujourd’hui on n’arrive presque pas à satisfaire en matière de services beaucoup de choses. Je leur souhaite du courage, à tous ces jeunes ; si tout le monde s’investit, nous aurons un Burkina meilleur.

Nous sommes à la fin de notre entretien, avez-vous des informations complémentaires pour les lecteurs de Burkina 24 ?

Tout d’abord je vous remercie d’avoir pris l’initiative de nous approcher. A l’endroit des producteurs de la région nous demandons qu’ils s’investissent davantage dans la production du miel parce que nous voyons combien ça aide les familles qui produisent le miel. En 1993 l’assiettée que l’on pouvait acheter à 5000 f, aujourd’hui si ce n’est pas à 10000 ou 15000 f vous ne pouvez pas avoir cette quantité-là.

A l’endroit consommateurs nous disons de consommer le miel du Gourma qui est de qualité et bien pour la santé. Je remercie tout le monde, les partenaires qui nous ont toujours accompagné jusqu’aujourd’hui ; nous leur demandons de toujours accompagner la filière apicole pour sa promotion.

Entretien réalisé par Boureima LANKOANDE

le 19 août 2015, à Fada N’Gourma pour Burkina24

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